La saga de Nikopol

Prologue
On ne naît pas éleveur, on le devient, à force de travail et d'expérience.
Il faut être doté d'une grande force de caractère, de beaucoup d'abnégation et faire montre d'une grande résilience pour pratiquer cette activité.
Ce sont ces qualités et ces compétences qui font les grands éleveurs qui durent et,
si vous n'en n'avez pas suffisamment, vous allez droit dans le mur.
En effet, élever des chatons ne se limite pas à les regarder naître et grandir
et encaisser les royalties en fin de trimestre.


La genèse

Pour avoir en son temps déjà élevé des Chartreux et des Siamois, j’avais quelques notions de base et une petite expérience de l’élevage félin.
C’est en cherchant à me procurer un Maine Coon que je suis tombée sur un des premier élevage de Sibériens en Suisse romande et son site.
Il était mentionné « Race rare et peu connue », mais j’étais déjà sous le charme de ce magnifique chat venu du froid, de sa rondeur tout en puissance et de son caractère qui lui ressemblait.
C’est ainsi que je me suis procuré ma première Sibérienne, Umiak, une Brown tabby.
Depuis le début, j’ai eu la chance d’être entourée et aidée par des éleveuses chevronnées, à la longue expérience et amoureuses de cette race qui n’en n’était à ses prémices, et qu’elles ont eu à cœur de développer et de faire connaître.
Lorsque l’une d’elle m’a suggéré de me procurer un mâle, le virus de l’élevage qui sommeillait en moi s’est ravivé et c’est ainsi qu’est arrivé d’Italie mon premier mâle reproducteur, Niourk, un Blue silver tabby.
Nikopol était né. 

Les premières années

Les premiers temps, tout est nimbé d’un halo de facilité et d’aisance.
Afin que ma petite entreprise tourne, que mon mâle soit « occupé » comme on dit, deux autres chattes de reproduction sont arrivées d’un élevage réputé en Suisse allemande, Uleïka, Black golden, puis Kachina, Black silver. Les naissances se suivaient, sans trop de problèmes ou alors surmontables et les chatons étaient encore mouillés que j’annonçais leur naissance sur mon site. Les premières difficultés sont arrivées. Des soucis de compatibilité entre géniteurs, des chatons qui présentent des problèmes ou qui meurent.
Il faut alors faut faire preuve d’une grande introspection, et rester objectif devant les difficultés. Dans ces moments-là, être en confiance avec son vétérinaire est primordial.
On apprend alors à avoir plus de retenue et de prudence, surtout dans le milieu de l’élevage qui n’est hélas pas exempt, loin de là, de son lot de critiques et de médisances. Par la suite, les réseaux sociaux n’ont rien arrangé. 
À cette époque, j’aimais bien faire de expositions. On se retrouvait entre amis et amoureux de la race et nous avions un plaisir infini à ces moments de partage.
Mais déjà l’arrivée du Sibérien sur les podiums et avec également les premiers articles de presse qui lui étaient consacrés, a suscité des élans de jalousie :
« C’est un Maine coon loupé », avons-nous par exemple entendu.
Un juge m’a traitée de « barjot » pour avoir choisi cette race « pas finie », et, la plupart d’entre eux qui à l’époque ne connaissaient que peu son standard, se chipotaient allégrement de concert au moment de rendre leur jugement.
Vous pouviez être sacré un weekend et honnis le suivant.
La bataille est rude pour les trois races qui prétendent au trône des plus puissants chats venus du froid, le Maine coon, le Norvégien et le Sibérien.
Il me reste la fierté d’avoir obtenu quelques titres et distinctions pour mes Sibs et mon élevage, et surtout les encouragements et les félicitations de quelques juges quand même ! 

Les années terribles

Comme une épidémie, c’est à pas feutrés que les grosses difficultés surviennent et s’enchaînent.
Une chatte pourtant encore jeune commence à rencontrer des difficultés lors des naissances et il faut la stériliser.
Période éprouvante, mais qui n’est rien avec la vague suivante, où un virus m’a décimé la quasi-totalité des chatons de l’année. La souffrance, le doute, la culpabilité… Ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort.
Et il en faut de la force ensuite, pour voir la maladie et la vieillesse emporter vos premiers Sibériens et accepter ce départ que l’on sait pourtant inéluctable.
Les deux reproductrices que je m’étais procuré pour la relève n’ont pas été aussi prometteuses que souhaité, caractère difficile, naissances compliquées.
J’avais toutefois gardé une fifille, Kikounou, et un sort terrible m’a à nouveau frappée : ma chatte est morte subitement. J’avais mis énormément d’espoir en elle, comme en Garance, une autre de mes fifilles… Je souhaitais me garder un chaton de sa dernière portée et tous sont morts.
J’étais sonnée, à genoux. Je n’avais plus que le chagrin et très peu de perspectives pour Nikopol. 

Les dernières années

Une guerrière se relève toujours.
Comme une lionne, j’ai léché mes plaies et je suis sortie de ma tanière. Le bilan était maigre : Gagarine était en âge de prendre sa retraite, il ne me restait plus que Malinka, ma smoke et Roxanne, une magnifique Sibérienne noire, fille de Kikounou.
J’ai réussi à me procurer un mâle en France, Toast, un pur rouquin.
Par contre, mes tentatives pour  acheter une femelle de reproduction ont échoué, et, pour cause, je n’arrivais plus financièrement.
Mes attentes tendaient vers un mariage entre mes deux jeunes et peut-être encore une ou deux portées avec Malinka…
Las.
Immatures, et pourtant pleins d’ardeur, les tourtereaux n’ont jamais concrétisé.
Il faut une chatte d’expérience souvent pour un jeune mâle et j’avais raison de penser que cela serait plus facile avec Malinka.
Le funeste destin s’en est encore mêlé et son avant-dernière portée n'est pas arrivée
à terme.
J’ai senti au plus profond de mon être que c’était la déchirure de trop. 

... et maintenant, que vais-je faire ?

Le feu sacré s’éteignait, je le sentais bien.
Ma résilience s’amenuisait, je me demandais si j’aurais encore la motivation pour élever des chatons.
Petit à petit, j’ai accepté l’idée de mettre fin à Nikopol. 
Je ne me résignais pas cependant à ce que cela soit le destin, en quelque sorte, qui m’oblige à le faire.
Ce n’est pas comme cela que je souhaitais que les choses se passent.
Notre problème à nous éleveuses émérites, c’est que nous sommes rapidement en manque de chatons !
Malgré tout donc, un coin secret de ma tête espérait de nouveau. Et toujours avec cette idée de ne pas finir sur un air d’abandon.
J’ai donc vu arriver les dernières chaleurs de Malinka avec un regain d’intérêt.
Sa gestation se passant bien, le triste souvenir des derniers chatons s’estompait.
Je reconnais avoir été un peu anxieuse les jours précédant la mise-bas.
C’était clairement un autre signe qui me donnait à penser, que, oui, c’est peut-être, peut-être ?
la dernière portée...
A suivre.

Conclusion

Je pense qu’il est nécessaire de conclure sur les belles histoires de l’élevage. Les beaux souvenirs et les belles satisfactions.
Il y a ces clients, mes « familles » comme je préfère, qui manifestent leur bonheur en prenant un deuxième, voire un troisième de mes chatons. Ceux qui me suivent depuis la première heure.
Il y a les chatons sauvés d’une mort certaine par notre sang-froid et notre expérience.
Ceux qui ont rencontré des difficultés pendant leur croissance et pour lesquels on s’investit encore plus : qui n’a jamais massé un chaton né avec des pattes de canard pendant des semaines jusqu’à son rétablissement ? En accompagner un autre prématurément aveugle, le voir s’épanouir complètement pour devenir une belle jeune chatte autonome et sûre d’elle ? Biberonné un petit faiblard jusqu’à ce qu’il reprenne suffisamment de force ? J’ai tenu chacun de mes chatons encore tous mouillés dans mes mains. La première chose que sentent ces boules d’à peine plus de 100 grammes est mon odeur et celle de leur mère.
Je suis leur soigneuse et ce lien est indéfectible.
Je n’ai oublié aucun d’entre eux.
Ni leur premier ronron. 

 Remerciements 

Aux amies éleveuses :
Élevage du Pymval, Élevage du Jedi, Élevage de Swijashskij,
Élevage de Pavlova, Élevage Riwerwind,
Élevage des Domovoï. 

A mon cher et tendre : 
sans ton aide, ton soutien, ta tendresse et ta patience
et ton humour !
je n'y serais jamais arrivée.
Pour m'avoir accompagnée toutes ces années,
merci, mon amour, merci.


A nos vétérinaires :

Dr. Méd. vétérinaire Fabrice Hamann
Route de la Coula 50
1618 Châtel-St-Denis

Dr. Méd. vétérinaire Jacques Terrail
Avenue de Gilamont 32
1800 Vevey